1ère STI / Oral Bac juin 2007 / Histoire / La démocratie française de 1848 à nos jours
Question longue : commentaire d'un ensemble documentaire
3ème Sujet - L'Affaire Dreyfus et les principes républicains
" Le capitaine Dreyfus devant le conseil de guerre ", 23 décembre 1894

13 janvier 1898

Caricature de Caran d'Ache traitant de l'Affaire Dreyfus, parue dans Le Figaro, le 14 février 1899. "Un dîner en famille"

- Surtout ! ne parlons pas de l'affaire Dreyfus !

… Ils en ont parlé …


Introduction - Thème de cet ensemble doc. : " l'Affaire Dreyfus ", la plus importante affaire judiciaire de l'histoire de France qui divisa le pays entre 1894 et 1906. Elle reflète bien son époque et fut un tournant dans la IIIème république, les " principes républicains " furent fragilisés sur le moment mais la République en sortit renforcée.

Présentation des documents
Ces trois doc sont de nature comparable car tous tirés de journaux
  • Le 1er est la couverture d'un quotidien Le Petit Journal : il permet de présenter l'homme à l'origine de l'affaire, le capitaine Alfred Dreyfus qui passa en conseil de guerre en décembre 1894. Il était accusé d'avoir vendu des secrets militaires aux Allemands alors ennemis de la France. Dreyfus est condamné " pour haute trahison " et envoyé au bagne à vie à Cayenne (Guyane) sur " l'île du Diable "
  • Le 2ème doc est aussi une couverture mais il c'est un article qui fait la " une " du quotidien L'Aurore. L'auteur en est le plus grand écrivain de l'époque, Emile Zola. Le titre " J'accuse " (5 p 19) dénonce l'erreur judiciaire que constitue la condamnation de Dreyfus qui a reposé sur la présentation de " faux " et la partialité de juges militaires qu'Emile Zola découvre en janvier 1898.
  • Le 3ème doc est également tiré d'un quotidien Le Figaro. C'est un dessin de presse en deux parties, réalisé par l'un des plus grands dessinateurs de l'époque " Caran d'Ache ". Ce dessin montre la division provoquée par l'affaire Dreyfus dans les familles (ou est-ce l'allégorie de la France considérée comme une famille) suite l'éventuelle réhabilitation du capitaine.
 >>> cette affaire remis en cause les principes républicains (état de droit, respect des droits de l'homme) mais servit également à les renforcer
 
Les principes républicains fragilisés
Lorsque débute cette " affaire ". La IIIème République n'est installée que depuis 1870-1875 (p.9, 4 p.14). Son système démocratique n'est pas encore accepté par tous.
  • Cette affaire remet en cause l'état de droit. L'armée n'est pas encore soumise au pouvoir civil et considère que " l'intérêt national " est supérieur au respect de l'état de droit, c'est-à-dire à la constitution et aux codes (civil, pénal, etc. …).
  • Cette affaire remet en cause l'égalité des Français et la tolérance. La condamnation de Dreyfus repose aussi sur des préjugés religieux : il est Juif. A cette époque, une part importante des Français considérait que les Juifs même de nationalité française n'était pas de " vrais " français et pouvaient trahir (d'où l'antisémitisme).
 
L'affaire et son époque
Cette Affaire illustre aussi la France des débuts de la IIIème République.
  • d'abord dans le contexte international particulier. La France a été vaincue en 1870 par les états allemands (dont la Prusse). Au moment de l'Affaire, l'empire allemand est l'ennemi contre lequel la France veut prendre sa revanche, qu'un Français trahisse pour les Allemands est la pire des trahisons et la plus grave.
  • ces 3 doc tirés de journaux montrent bien la liberté d'expression qui règne alors, c'est tout récent (loi sur la liberté de la presse votée qu'en 1881, 4 p.16). Ces 3 titres différents illustrent aussi la liberté de penser : ils sont de tendances différentes.
  • L'Aurore tire à 300 000 exemplaires et montre ainsi la diffusion de l'instruction depuis que Jules Ferry a fait voter en 1881-1882 les lois rendant l'école primaire laïque, gratuite et obligatoire.
  • ces 3 journaux montrent aussi l'importance de la presse : c'est la première fois dans l'histoire de France que la presse va faire " l'opinion publique " et faire entrer dans les familles, tous les jours, une affaire judiciaire.
  • le doc 1 montre un crucifix dans la salle du tribunal : en 1894, la France n'est pas encore un " état laïc ", elle le deviendra en 1905 avec la loi de Séparation des Eglises et de l'Etat.
  • le dessin est particulièrement bien choisi, il est en effet une synthèse de la France de l'époque. Il montre parfaitement l'influence de la presse: chacun dans la famille connaît l'affaire et a son opinion. Les partisans de l'innocence de Dreyfus sont les Dreyfusards, les partisans de sa culpabilité et de la défense de l'armée, les antidreyfusards. Pour la première fois, les " intellectuels " s'engagent.
 
La République en sort renforcée
·Cette affaire ne pose pas seulement sur l'innocence ou la culpabilité du capitaine Dreyfus. Elle marque un tournant. En ces années 1890, il fallait choisir entre le respect du droit, une justice équitable pour tous les Français, le respect des individus ou au contraire accepter l'arbitraire, placer l'armée au dessus des lois, défendre une France chrétienne d'où sont exclus les Juifs et accepter l'antisémitisme.
·En 1906, la justice française et le gouvernement de Georges Clemenceau (dreyfusard et collaborateur de L'Aurore) décident de réhabiliter Dreyfus c a d de reconnaître " l'erreur judiciaire ". Une grande cérémonie publique marque cette réhabilitation. C'est la victoire définitive du droit et de l'état de droit dans la démocratie française, l'affirmation que chaque citoyen, quelques soient ses convictions, peut bénéficier de la protection des juges et des garanties fondamentales de la déclaration de 1789.
 
Conclusion
L'antisémitisme rejaillira en France pendant les années 1930 et pendant le Régime de Vichy (1940-1944, la France était alors en guerre et occupée par un ennemi). Mais depuis maintenant un siècle la France n'a plus connu d'affaire judiciaire de cette importance et les principes républicains s'appliquent à tous depuis cette époque.